Les tortues marines de la Caraïbe

Laurent Louis-Jean

Les différentes espèces

Une mangeuse d’éponges : la tortue imbriquée

Également connue aux Antilles sous le nom de karet, Eretmochelys imbricata se reconnaît à sa tête effilée, à son bec, qui évoque celui d’un faucon (tortue à bec de faucon, en anglais), à la dentelure de la partie postérieure de sa carapace et à la disposition de ses écailles à la façon des tuiles d’un toit. Elle vit aux abords des récifs coralliens et des étendues d’algues. C’est la seule qui consomme les éponges, pour lesquelles elle a un goût particulier, même si elle ne dédaigne pas d’autres invertébrés comme les crustacés, les méduses, les calmars et les oursins, ainsi que les algues. Son bec crochu lui permet de chercher sa nourriture dans les crevasses. De taille moyenne, elle mesure de 60 cm à 1 m pour 43 à 75 kg à l’âge adulte. C’est la plus tropicale de toutes les espèces. Elle évolue de préférence sur des fonds côtiers peu profonds, mais elle est capable de plonger à plus de 50 m de profondeur pendant une demi-heure en moyenne. Sa vitesse de pointe a été mesurée à près de 25 km/h. Les populations de tortues imbriquées des Antilles françaises ont notamment des échanges entre Martinique, Barbade et Sainte-Lucie, ou entre Guadeloupe, Cuba, îles vierges et Antigua. Leur site de ponte principal se situe au Mexique.

Une tortue de la couleur de l’herbe : la tortue verte

La tortue verte, Chelonia mydas, doit son nom à sa couleur, qui provient des pigments contenus dans les végétaux qu’elle consomme. En effet, si les juvéniles sont omnivores, et mangent entre autres des méduses et des crustacés, les adultes sont exclu­sivement herbivores. Ils vivent non loin des récifs coralliens et des zones d’herbiers et d’algues d’eau profonde qui constituent leur nourriture. C’est la plus grande des Cheloniidés, et la plus vive des tortues marines : elle peut atteindre près de 35 km/h en pointe. La taille et le poids moyens des adultes varient en fonction de la zone géographique. La taille de la carapace atteint en moyenne 1,10 m et l’animal pèse entre 80 et 130 kg. Certains spécimens peuvent atteindre 300 kg pour 1,50 m. On la rencontre principalement aux abords des côtes continentales et des îles océaniques de près de 140 pays, jusqu’à 45° de latitude de part et d’autre de l’équateur. C’est là qu’elle se nourrit, mais la plupart du temps, c’est dans les mers tropi­cales qu’elle vient pondre. D’un site à l’autre, elle peut migrer sur plus de 2 000 km. Par exemple, les populations des Antilles françaises ont des échanges avec les îles d’Aves (Venezuela). Leur plus grand site de ponte est situé, à Tortuguero, au Costa Rica.

La plus voyageuse des tortues marines : la tortue luth

Sa dossière, de couleur noire à bleu nuit, tachetée de points blancs, comporte 7 carènes longitudinales blanchâtres et son énorme tête porte une tache rose frontale, appelée chanfrein. Dermochelys coriacea est la plus grosse de toutes les tortues marines, d’où son surnom de géante des mers. La taille des adultes peut atteindre 2 mètres et leur poids près d’une tonne, mais en moyenne elle pèse entre 400 et 500 kg. Elle peut nager jusqu’à 36 km/h. Carnivore, elle se nourrit principalement de mé­­duses, mais aussi d’hydrozoaires et de plancton. De tous les reptiles, c’est celui qui a la répartition la plus large : on la trouve dans tous les océans jusqu’au cercle polaire arctique. Elle est pélagique à toutes les phases de son cycle : elle vit en pleine eau, loin des côtes, plonge à près de 1 300 mètres avec des apnées de plus de 80 minutes. Elle peut parcourir 15 000 km par an, ce qui fait d’elle une des espèces les plus migratoires au monde. Les plages de la Guyane française et du Gabon sont ses sites de ponte les plus importants. Les tortues luth en ponte aux Antilles fran­­çaises ont été observées au centre de l’Atlan­tique, en Colombie, Dominique, Grenade, Guyana, Sainte-Lucie, Trinidad et avec des échanges entre la Guadeloupe et la Martinique.

Une « grosse tête » chez les tortues : la tortue caouanne

Caretta caretta est l’une des espèces les plus étudiées dans le monde. Elle est présente aux Antilles françaises, mais jamais en grande quantité. Elle vit au large, sur des fonds autour de 50 m, et choisit pour nidifier les latitudes plus élevées des zones tempérées. On la rencontre beaucoup en Floride et en Méditerranée. C’est aussi une grande espèce : la carapace des adultes, de couleur brun orangé, peut mesurer jusqu’à 1,50 m, pour un poids d’une centaine de kilos. On la reconnaît notamment à sa grosse tête, pourvue d’une large et puissante mâchoire. Elle est omnivore, mais surtout carnivore, et assez peu fidèle à ses sites de ponte.

La plus petite des tortues marines : la tortue olivâtre

Lepidochelys olivacea est l’une des plus petites. Sa carapace, plate et brune, est cordiforme (en forme de cœur) et très en retrait au niveau des pattes antérieures. Elle mesure entre 50 et 70 cm, pour une quarantaine de kilos. Omnivore, elle se nourrit volontiers de ce qu’elle trouve : de préférence méduses, gros invertébrés (crabes et autres crustacés) et poissons, mais ne dédaigne pas, au besoin, les algues et les plantes aquatiques. Elle est très rare aux Antilles, ses principaux sites de ponte sont localisés sur le plateau des Guyanes.

À la fois américaine et caribéenne : la tortue de Kemp

Elle est absente des Antilles, Lepidochelys kempii mais on la trouve près des côtes du Mexique, de la Floride et de l’Atlantique nord. Elle évolue prin­cipalement sur les platiers et aux abords des mangroves. C’est la plus petite des tortues marines et l’espèce à la répartition la plus étroite. Sa dossière cordiforme, plus large que longue et relativement bombée, atteint à peine 75 cm, et, comme la tortue olivâtre, l’adulte pèse environ 45 kg. Elle est principalement carnivore.

Les habitats des tortues marines

Les herbiers marins

Les herbiers marins, qu’il ne faut pas confondre avec les algues, sont des plantes aquatiques à fleurs dont les feuilles sont longues et étroites. Ils constituent des prairies sous-marines qui jouent un rôle important dans les écosystèmes des zones côtières. Ils peuvent héberger des centaines d’espèces, comme les étoiles de mer, les lambis ou encore les oursins, et servir de refuge aux poissons juvéniles et adultes. Ils stabilisent les substrats et favorisent la sédimentation des fonds marins, la protection mécanique contre les vagues et la limitation de l’érosion côtière. Thalassa testudinum, dite « herbe à tortue », est particulièrement appréciée par les tortues vertes.

Les récifs coralliens

Les récifs coralliens sont des struc­­­­tures naturelles formées par des micro-organismes. Ils forment des éco­systèmes marins complexes riches en biodiversité, car sources de nourriture, de refuge et de protection pour de nombreux organismes aquatiques. Ils cohabitent avec les éponges, géné­ralement fixées au substrat marin. Tous deux contribuent à l’enrichissement des zones de pêche, leur rôle écologique, économique et touristique est primordial.

Retour au blog